Le premier procès d’un Faucheur de chaises s’est tenu à Dax ce lundi 9 janvier 2017. Plus de 2 000 personnes et de nombreux soutiens associatifs, syndicaux et politiques sont venus de toute la France pour dénoncer l’injustice fiscale. L’État a confirmé la légitimité des actions de réquisition de chaises en demandant la relaxe de Jon Palais alors que BNP Paribas a demandé 1 € de dommages et intérêts et a brillé par son absence à l’audience. Le verdict sera rendu le 23 janvier prochain.
À 13 h 20, ce lundi 9 janvier 2017, Jon Palais et ses avocates Eva Joly et Caroline Joly sont entrés au Tribunal de Grande Instance de Dax sous les acclamations d’une foule nombreuse venue soutenir les Faucheurs de chaises. Dans une salle d’audience trop petite pour accueillir les nombreuses personnalités et journalistes présents, Jon Palais, jugé pour « vol en réunion » de 14 chaises dans une agence BNP Paribas à Paris, en octobre 2015, a assumé les actions de réquisition de chaises en exposant leur légitimité. Ses deux témoins, Vincent Drezet et Antoine Peillon ainsi que ses avocates sont intervenus pour dénoncer les paradis fiscaux, véritable trou noir de l’économie mondiale le rôle joué par BNP Paribas et la légitimité de désobéissance civile.
BNP Paribas, à l’origine de la plainte, a requis 1 euro symbolique de dommages et intérêts et décidé de ne pas être présente à l’audience. Une absence qui s’apparente à un aveu de culpabilité de la banque visiblement dépassée par l’ampleur de la mobilisation citoyenne. Eva Joly n’a pas manqué de rappeler que la BNP Paribas déclare un tiers de ses bénéfices dans les paradis fiscaux et a été impliquée dans de nombreux scandales ces dernières années. L’intérêt porté par la Cour aux arguments sur les agissements de la BNP Paribas a fait basculer le procès de Jon Palais en procès de la banque. L’audience s’est achevée sur l’annonce du délibéré le 23 janvier.
Pour les Faucheurs de chaises, cette journée de mobilisation est un succès incontesté. Plus de 2 000 personnes se sont rassemblées dès 13 h devant le tribunal avant de déambuler dans les rues de Dax. À partir de 14 h, des personnalités syndicales, associatives, artistiques et politiques sont venues rappeler les enjeux écologiques, économiques et sociaux de la lutte contre l’évasion fiscale, au niveau national et international, tandis que conférences gesticulées et concerts apportaient une dimension festive et pédagogique à l’événement.
Le matin, cinq candidats à l’élection présidentielle [1] étaient interpellés sur la fraude et l’optimisation fiscale lors d’une table ronde [2]. Ils et elles se sont engagés à lutter contre l’évasion fiscale, un signal positif pour les Faucheurs qui appellent l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle à se prononcer sur cet enjeu.
Les Faucheurs de chaises, dans l’attente du délibéré le 23 janvier, demandent à présent l’arrêt des poursuites contre leurs militants. Ce ne sont pas les Faucheurs ou les lanceurs d’alerte qui doivent être jugés, mais l’évasion fiscale en bande organisée, et le collectif appelle à la mise en œuvre des mesures pour mettre fin à la fraude et à l’impunité fiscale, et pour le financement de la transition écologique et sociale.
La journée s’est achevée sur un appel à se mobiliser lors de la semaine d’action mondiale contre l’évasion fiscale #EndTaxHeaven qui débutera le 3 avril 2017, date anniversaire de la publication des « Panama Papers » et le 11 avril à l’occasion du second procès d’un Faucheur de chaises, Florent Compain, président des Amis de la Terre.
(Source : Attac France – Communiqué des Amis de la Terre, d’ANV COP21, d’Attac France, de Bizi ! et de Solidaires Finances Publiques)
Selon Reporterre, chaque année, 60 à 80 milliards d’euros s’envoleraient illégalement de France, d’après un rapport du syndicat Solidaires finances publiques paru en 2013. Et si l’on considère les sommes accumulées et stockées dans les paradis fiscaux alors qu’elles devraient être déclarées en France, on arrive au chiffre de 600 milliards d’euros, selon les travaux de l’économiste Gabriel Zucman. Or si tout cet argent était imposé, 30 à 50 % rentreraient dans les caisses de l’État, selon Antoine Peillon, journaliste à La Croix et spécialiste du sujet.
Reporterre précise :« Aujourd’hui il nous manque des ressources pour investir dans la transition écologique et les services publics, et en parallèle on a un énorme problème de concentration des richesses », constate Thomas Coutrot, économiste et membre d’Attac. Redistribuer l’argent de l’évasion fiscale permettrait de répondre à ces besoins, et la manière la plus simple de redistribuer est de s’attaquer à la fraude fiscale. « On n’a même pas besoin d’une réforme fiscale, rien qu’en appliquant les règles actuelles, on pourrait aboutir à une redistribution des richesses non négligeable », poursuit M. Coutrot.
Cela représenterait 20 à 40 milliards d’euros en plus dans les caisses de l’État chaque année, et même 200 à 300 milliards d’un coup si les avoirs stockés dans les paradis fiscaux étaient rapatriés. Les faucheurs de chaises savent quoi faire de ces sommes : 40 milliards d’euros permettraient de rénover l’ensemble des foyers en situation de précarité énergétique, 35 milliards d’euros de convertir l’ensemble des parcelles agricoles en bio, tandis que fournir des repas 100 % bio dans les cantines du primaire, du secondaire, et des restaurants universitaires coûterait 1,4 milliards par an, selon leurs chiffres. Et chaque fois, des emplois seraient créés.
[1] Les candidats suivants ont participé à la table-ronde : Yannick Jadot (EELV), Sandrine Charnoz, pour Benoît Hamon (PS), Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne), Corinne Morel-Darleux pour Jean-Luc Mélenchon (la France insoumise), Philippe Poutou (NPA), Charlotte Marchandise (candidature citoyenne).
[2] https://faucheursdechaises.eu/les-revendications/
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