Le gouvernement a présenté ce lundi 14 janvier 2019 son nouveau projet de lutte contre les perturbateurs endocriniens, ces substances susceptibles d’interférer avec le système hormonal. Un plan accueilli de façon mitigée par les ONG.
Jouets, tickets de caisse, plastiques, peintures, vêtements, produits phytosanitaires… Ces composés chimiques présents dans de nombreux produits de consommation courante sont encore mal connus.
Mais la liste des maux qui leur sont attribués est longue (problèmes de fertilité, croissance, comportement, origine possible de certains cancers…), alimentant l’inquiétude de la population et des ONG.
Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle qui dérèglent le fonctionnement hormonal des organismes vivants. Ils se retrouvent dans un grand nombre de produits de consommation courante (cosmétiques, alimentation, plastiques…) et dans différents milieux (air, eau, sol).
En avril 2014, la France a été le seul pays à se doter d’une première stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. En février 2018, le Gouvernement a annoncé la deuxième stratégie pour la période 2019-2022. Des groupes de travail ont été mis en place pour élaborer la SNPE2, composés de l’ensemble des parties prenantes : parlementaires, organismes publics de recherche et de surveillance, associations de protection de l’environnement et de défense des consommateurs, industriels, ministères…
Il y a un an, un rapport commun de plusieurs organismes publics, dont l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), avait estimé que la France n’avait pas mis en œuvre les moyens suffisants pour surveiller et étudier ces substances, malgré la première « Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens » (SNPE) de 2014.
Cette deuxième SNPE 2019-2022, soumise à consultation publique à partir de ce lundi 14 janvier jusqu’au 8 février, vise notamment à renforcer la protection des populations.
Dans ce but, l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) devra publier d’ici 2021 une liste de perturbateurs endocriniens, classés en trois catégories, « suspecté », « présumé » et « avéré ».
« La première phase, c’est de tenir à jour une liste exacte de ce qu’on appelle un perturbateur endocrinien, puisqu’il y a aujourd’hui encore des flous sur certaines molécules, et des débats à l’échelon international », a expliqué à la presse à Bordeaux la ministre de la Santé Agnès Buzyn, lors du lancement de la consultation publique de la deuxième SNPE, aux Rencontres nationales Santé-Environnement.
Des actions pour protéger la population :
– Établir une liste des substances qui peuvent présenter des propriétés perturbatrices endocriniennes, scientifiquement robuste et partagée avec les parties prenantes et les autres États membres (action 4).
– Mener une campagne de communication grand public et créer un site internet de référence, afin d’informer la population sur les risques liés à l’exposition aux produits chimiques dangereux de consommation courante, de partager des bonnes pratiques destinées à limiter les expositions, en ciblant en priorité les populations les plus à risques (action 8). « Nous n’avons pas encore la preuve scientifique de toute la toxicité de chacune de ces molécules, a ajouté la ministre, donc il est important, au fur et à mesure, d’alimenter les connaissances pour que les Français puissent eux-mêmes être acteurs de leur santé et se protéger progressivement, s’il apparaît qu’un risque est avéré. »
Selon Mme Buzyn, « le site internet qui va être créé sur les perturbateurs endocriniens, sera tenu par l’Agence de santé publique, et mis à jour régulièrement, avec notamment des consignes à tenir. On commencera par les populations les plus vulnérables, les femmes enceintes, les enfants, mais petit à petit on élargira à tous les publics ».
– Développer la formation des professionnels de santé et des agents des collectivités territoriales (actions 10 et 11).
Des actions pour protéger l’environnement :
– Réaliser des analyses exploratoires sur des produits de grande consommation destinés à des populations sensibles (jouets destinés aux enfants de moins de trois ans) en y recherchant des substances non réglementées présentant des propriétés de perturbateurs endocriniens avérées (action 22).
– Mesurer l’imprégnation des différents milieux (air, eau, sol) par les perturbateurs endocriniens et centraliser les données sur une plateforme dédiée, ouverte à tous les acteurs (action 24).
– Renforcer la connaissance de l’exposition aux perturbateurs endocriniens via l’alimentation, en incluant un volet spécifique à ses substances dans la prochaine enquête sur l’alimentation qui sera lancée en 2019 (action 27).
– Susciter des engagements volontaires des industriels et des distributeurs pour substituer, dans les produits de consommation courante, les substances pouvant présenter des propriétés de perturbation endocrinienne. (action 41).
Des actions pour améliorer les connaissances :
– Assurer une coordination pour soutenir la recherche et l’innovation. Assurer la lisibilité pour l’ensemble des parties prenantes des efforts de recherche et des avancées sur les PE (action 42).
– Élargir la surveillance à d’autres pathologies que celles de la reproduction, en lien avec les perturbateurs endocriniens (action 46).
Les ONG ont réagi favorablement à l’annonce du plan, en particulier le classement des perturbateurs : « Ça c’est positif, la France est à l’avant-garde sur cette question-là, elle veut que les perturbateurs endocriniens soient traités en trois catégories », comme le sont par exemple les substances cancérogènes, a expliqué à l’AFP François Veillerette, de l’ONG Générations Futures.
La définition européenne adoptée difficilement en 2017, qui ne satisfait pas les ONG, exclut les « suspectés » et ne concerne que les produits phytosanitaires et biocides.
En revanche, en matière de protection des consommateurs, les ONG regrettent l’absence de mise en place d’un étiquetage des produits contenant une de ces substances, pour au moins donner le choix aux consommateurs.
« Le meilleur moyen d’informer est via l’étiquetage bien sûr », a insisté Olivier Andrault, de l’UFC-Que Choisir, qualifiant toutefois le plan de « plutôt satisfaisant ».
La future liste officielle rendra « plus facile pour les ONG de pointer du doigt les produits qui contiennent ces perturbateurs endocriniens, et donc d’obliger les pouvoirs publics et les fabricants à agir pour une substitution, ou une interdiction pure et simple », a-t-il déclaré à l’AFP.
Le projet prévoit à ce stade un travail de concertation pour « guider » l’action des industriels vers la substitution des substances controversées, notamment en identifiant des alternatives.
(Source: AFP)
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