Sex-Appeal, la scandaleuse vie de la nature

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Le Muséum de Toulouse lève le voile sur sa prochaine grande exposition temporaire, Sex-appeal, la scandaleuse vie de la nature. La vie intime des plantes et des animaux y sera exposée sans tabou, dans toute son ingéniosité et sa diversité. Abordant de nombreuses disciplines – botanique, entomologie, zoologie, biologie, éthologie, histoire de l’art – l’exposition permet d’ouvrir en grand le champ du dialogue sur ce que Darwin nommait le plus grand mystère du monde. Rendez-vous à partir du 14 octobre prochain !

Quelle est cette pulsion de vie qui pousse chaque espèce vivante à rivaliser d’ingéniosité pour survivre, conserver et transmettre le patrimoine génétique qui lui est propre ? Cette exposition sonde la biodiversité du vivant par le prisme de la sexualité. Elle nous interroge sur l’origine de la sexualité et ses multiples facettes. On a longtemps cru que la sexualité des plantes n’existait pas. Et pourtant… Colorées et parfumées, les plantes nous livrent des mises en scène luxuriantes pour attirer leurs pollinisateurs. 
Côté animaux, entre tendresse, délicatesse, sensualité et érotisme, leur vie sexuelle est bien plus foisonnante qu’il n’y parait. De la masturbation des primates à la fellation de la chauve-souris, de la parade nuptiale du paradisier en passant par l’homosexualité des lions, tous les goûts sont dans la nature !

Depuis 1999, l’État décerne le label « Exposition d’intérêt national » à un ensemble choisi d’expositions qui répondent à des critères d’excellence et sont présentées en région par des Musées de France. Ce dispositif, porté par les Directions régionales des affaires culturelles (Drac) en lien avec le ministère de la Culture, récompense des expositions d’une qualité scientifique et muséographique exemplaire, accompagnées d’actions de médiation spécifiques et innovantes, visant à la diversification des publics. Il traduit la volonté de mener une politique culturelle de proximité, en encourageant des projets ambitieux, au cœur des territoires et au plus près des concitoyens. Parmi les expositions distinguées par le label 2023 se trouve l’exposition Sex-appeal, la scandaleuse vie de la nature, présentée au Muséum de Toulouse d’octobre 2023 à juillet 2024. Au sein d’un parcours d’une remarquable pédagogie, cette exposition autour de la sexualité des plantes et des animaux met en lumière la diversité des comportements et propose, à travers les recherches d’experts en zoologie, botanique et biologie évolutive, une nouvelle perspective sur notre perception du monde. Assortie d’une offre de médiation de grande qualité, Sex-appeal, la scandaleuse vie de la nature se démarque également par son accessibilité, la diversité des supports muséographiques et l’engagement du Muséum en faveur de l’élargissement des publics. Portant sur un sujet d’actualité essentiel, s’inscrivant dans le cadre d’une programmation riche et pluriannuelle abordant l’ensemble des problématiques de la biodiversité, l’exposition à laquelle nous invite le Muséum de Toulouse mérite d’être saluée tant pour sa qualité scientifique que pour sa large portée, marquant sans aucun doute son intérêt d’envergure nationale. Souhaitons plein succès à ses organisateurs, et que le public soit au rendez-vous de ce bel événement. "
Pierre-André Durand, Préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne

Une expo classée X

La vie intime des plantes et des animaux exposée sans tabou, dans toute sa poésie, sa fantaisie, son ingéniosité, mais aussi dans toute sa crudité, voire sa violence. Avec sa nouvelle grande exposition, Sex-appeal, la scandaleuse vie de la nature, le Muséum de Toulouse a choisi de lever le voile sur la biodiversité du vivant par le prisme de la sexualité. En effet, le sexe n’est-il pas l’élément clé de l’évolution et donc de la biodiversité sur cette planète qui regorge de vie ?

Côté animaux, de la masturbation des primates à la fellation de la chauve-souris, de la parade nuptiale du paradisier en passant par l’homosexualité des lions, la polygamie des chimpanzés, l’hermaphrodisme des escargots et encore bien d’autres pratiques, il est avéré que tous les goûts sont dans la nature. Entre tendresse, séduction, exubérance, mais également domination, érotisme ou bestialité, la vie sexuelle des animaux est bien plus riche, foisonnante et flamboyante qu’il n’y paraît.

La chorégraphie de la grue du Japon : chez les grues, la danse se fait à deux. Le couple enchaîne les mouvements : saut, battement d’ailes, vol près du sol, courbette, reculade, hochement de tête et parfois projection de matériaux divers. Ces chorégraphies particulièrement élégantes servent à choisir un partenaire, mais aussi, chaque année, à maintenir et renforcer le lien qui unit le couple, qui se forme pour la vie.

La sexualité des fleurs, quant à elle, est bien souvent discrète. La coévolution des plantes et de leurs pollinisateurs a donné lieu à des interactions très perfectionnées et surprenantes, parfois même exclusives. En effet, certaines plantes ne peuvent pas se reproduire sans leur pollinisateur attitré… Colorées et odorantes, les plantes nous livrent donc une mise en scène luxuriante qui donne naissance à des relations uniques et inédites.

Le mystère de l’orchidée de Madagascar et du Sphinx : l’exemple le plus célèbre de coévolution entre deux espèces est celui d’une orchidée de Madagascar Angraecum sesquipedale et d’un papillon pollinisateur qui aura intrigué Charles Darwin pendant plusieurs années. Les fleurs de cette orchidée, communément appelée Étoile de Madagascar ou de Bethléem, s’épanouissent la nuit et forment un éperon de 25-30 cm de long où s’accumule du nectar. Darwin suspectait qu’un papillon de nuit à longue trompe était impliqué dans la pollinisation mais un tel papillon était inconnu à l’époque. C’est en 1871, après la découverte d’un papillon africain à longue trompe, le sphinx Xanthopan morganii, qu’Alfred Russel Wallace, codécouvreur du principe de sélection naturelle avec Darwin, le proposa comme pollinisateur potentiel. Mais c’est seulement en 1903, 21 ans après la mort de Darwin, que sa théorie et celle de Wallace se sont avérées exactes lors de la découverte de la sous-espèce de sphinx nocturne Xanthopan morgani praedicta : sa trompe de 30 cm est suffisamment grande pour atteindre le nectar au fond de l’éperon, attestant ainsi de l’évolution synchrone des deux espèces.

La sexualité, qu’elle soit animale ou végétale, constitue donc le fil rouge du parcours de l’exposition. Sex-appeal donne à voir l’ingéniosité créatrice et effrontée de la nature. En plongeant dans les origines mêmes de l’observation scientifique et naturaliste, cette exposition retrace la construction d’un savoir scientifique autour de la sexualité et, à travers elle, les transformations de notre perception du monde. Elle montre que l’évolution n’est pas seulement le résultat d’une adaptation au milieu, mais également l’aboutissement des parades amoureuses dans une lutte pour la séduction. Un domaine dans lequel notre espèce Homo sapiens n’a rien inventé !

Rien n’est plus beau que de donner la vie. Pourtant, la décence humaine nous commande le plus souvent de cacher cette « origine du monde » que tant d’artistes et scientifiques se sont attachés à explorer. Un état de nature qui confine au sacré et que le Muséum de Toulouse vous propose de découvrir en levant un voile pudique et ludique sur la vie intime de la biodiversité. Magie de la sexualité des plantes, curiosités animales… L’exposition, qui a reçu le label d’Intérêt général de L’État, s’applique à représenter et expliquer avec légèreté et précision scientifique ce monde inconnu et qu’il nous appartient de protéger. Fidèle à ce qui fait de lui un établissement remarquable et populaire, à la croisée du monde des sciences, de la culture, de la pédagogie, des enjeux et des questions de société, le Muséum de Toulouse s’empare de ce sujet en proposant une expérience culturelle adaptée à toutes les générations. Une expérience qui offre à chacun, à travers la question de l’origine de la sexualité, l’occasion de s’interroger sur la perception scientifique des pulsions, l’animalité et l’intellectualisation de l’état de nature. Belles découvertes à tous ! "
Jean-Luc Moudenc Maire de Toulouse Président de Toulouse Métropole

Sex-appeal : 50 nuances de vert

Eros contre Thanatos. Comme pour mieux clore la saison culturelle précédente consacrée aux momies, le Muséum de Toulouse inscrit en haut de l’affiche ces quatre lettres capables de déchaîner toutes les passions, S.E.X.E. L’exposition Sex-appeal ose dévoiler les sexualités de la faune et de la flore. Elle en déploie toute la polysémie avec 300 mètres carrés consacrés à cette pulsion de vie qui pousse chaque espèce vivante à rivaliser d’ingéniosité pour survivre, conserver et transmettre le patrimoine génétique qui lui est propre.

La sexualité est-elle apparue sur terre avec les premiers eucaryotes ? Quelles sont les modalités de reproduction qui ne font pas appel au sexe ? Sommes-nous les seuls animaux à tomber amoureux ? À pratiquer la masturbation ? Nombre de questions se posent lorsque l’on s’avise de sonder cette incroyable machine à fabriquer des différences.

Pendant des siècles, la sexualité a alimenté de manière directe ou indirecte l’imaginaire de l’espèce humaine. Des représentations schématiques de vulves sur les parois des grottes ornées, en passant par la puissance des écrits mythologiques, la sensualité des chefs d’œuvre de la peinture ou de la sculpture, toute une symbolique s’est développée sur ce sujet à travers toutes les cultures humaines. Souvent réduite aux fonctions de reproduction, la sexualité est pourtant foisonnante à travers l’ensemble des espèces animales et végétales. Des erreurs de transcriptions génétiques lors de la réplication de l’ADN à la coévolution des orchidées et des colibris par exemple, ou aux relations sexuelles entre espèces différentes, fréquentes chez les végétaux qui donnent naissance à des hybrides, la sexualité est l’un des moteurs principaux de l’évolution des espèces. À l’heure où le monde scientifique nous alerte sur l’érosion drastique de la biodiversité et sur les prémices de la sixième extinction, il nous a semblé intéressant de parler de biodiversité à travers le prisme de la sexualité ou plutôt des sexualités, tant elles sont diverses dans le monde vivant. Homosexualité chez les primates, hermaphrodisme des escargots, changement de sexe chez des poissons, polyandrie chez les oiseaux, cette vie scandaleuse de la nature, longtemps niée, souvent méconnue, est l’objet de l’exposition Sex-appeal, labellisée Exposition d’intérêt national que le Muséum de Toulouse vous invite à découvrir. "
Francis Duranthon Directeur du Muséum de Toulouse

On a longtemps cru que la sexualité des plantes n’existait pas, avant qu’elle ne suscite scandale et émoi. Quant au monde animal, entre l’hermaphrodisme successif alterné du poisson clown, les étreintes homosexuelles des lions ou la monogamie des cygnes, la sexualité est d’une diversité impressionnante. On y découvre quantité d’organes, tels des pénis sonores, à épines, en forme de tire-bouchon ou à quatre glands, des clitoris avec os, des vagins à clapet et, pour une nuit ou pour la vie, autant de comportements sexuels différents. Toutes les séductions sont possibles, des ruses les plus subtiles jusqu’aux comportements les plus spectaculaires.

Mais voilà que le plaisir s’en mêle ! Sexualité et reproduction ne vont pas toujours de pair. Masturbation, cunnilingus, fellation tout comme les baisers, les câlins et autres pratiques érotiques ne sont pas réservés au genre humain. Les torrides corps à corps, les gémissements voluptueux et orgasmes lascifs, voire même la recherche de positions extravagantes existent aussi chez nos amis les bêtes.

Les dauphins, le plaisir au féminin : le dauphin utilise le sexe pour créer et maintenir un lien social. Les femelles particulièrement ont des actes sexuels toute l’année, même lorsqu’elles ne peuvent pas concevoir. Seule, la femelle frotte son clitoris contre le sable et en groupe, certaines ont été observées à frotter leur museau ou leurs nageoires entre elles. Le clitoris des dauphins a une structure similaire à celui des femmes : il est composé de vaisseaux sanguins et de structures sensorielles dont la fonction est de procurer du plaisir, au-delà de la fonction reproductrice facilitant la pénétration et la fécondation.

Ainsi donc la sexualité animale ne pourrait se réduire à une simple mécanique : s’accoupler pour procréer. Voilà bien de quoi nous offrir un terreau fertile pour interroger les curiosités de tout âge et défaire certains discours stéréotypés. Ce grand catalogue des émois sauvages révèle quantité d’observations et d’interprétations qui révolutionnent la vision que nous portons sur ce qui nous différencie du monde animal. À mesure que les connaissances progressent, la vie émotionnelle des animaux se dévoile. On étudie le plaisir, l’attachement, les sentiments, la puberté, les apprentissages. Loin de la morale ou de l’anthropomorphisme, les attitudes de la vie amoureuse de certains animaux génèrent une foule de questions.

À l’heure où dans notre société, il n’a jamais été autant question des problématiques des relations entre les sexes, cette grande leçon de sciences naturelles impudique et audacieuse nous trouble, nous déconcerte, nous ébranle. Ainsi, l’exposition Sex-appeal ouvre grand le champ du dialogue sur ce que Darwin nommait le plus grand mystère du monde.

Quand la nature s’excite

Côté animal, après le glamour et la séduction, l’accouplement est un moment intime où les corps se touchent et s’enlacent. Les appareils reproducteurs des sexes opposés ainsi que leurs gamètes se rencontrent, parfois de manière surprenante. Côté végétal, au fil du temps, certaines espèces végétales et animales s’adaptent mutuellement et deviennent dépendantes l’une de l’autre : c’est la coévolution.

La sexualité ne se limite pas seulement à la procréation. Son rôle est multiple : communication, résolution des conflits, marqueur social de dominance ou de soumission, abaissement du stress, recherche du plaisir seul ou à plusieurs… Entre la polyandrie des chats forestiers, l’union à vie des cygnes ou la polygynie des troglodytes, la nature présente une diversité de pratiques et une diversité de comportements au sein même d’une espèce.

Excellente plante mellifère, la phacélie (Lacy Phacelia) attire particulièrement les abeilles, qui la pollinisent. Les insectes voient avec un spectre différent de celui des êtres humains. Les abeilles en particulier perçoivent des radiations de l’ultraviolet proche, invisibles à l’œil humain. La phacélie possède ainsi des marques ultraviolettes visibles seulement par ses pollinisateurs, comme le montrent ces deux clichés de Craig P Burrows.

Le sexe et la vie – Rencontre avec Pierre-Henri Gouyon, membre du comité scientifique de l’exposition

Avec Sex-appeal, le Muséum de Toulouse s’est attaché à balayer largement le sujet de la sexualité dans l’ensemble du vivant et dans toute sa diversité. Pierre-Henri Gouyon** accompagne le Muséum dans cette aventure et nous éclaire sur l’importance du sexe dans l’évolution. C’est quoi, le sexe, en biologie ?

Pierre-Henri Gouyon : Selon les situations, il va désigner tout simplement l’organe sexuel. Ensuite et plus généralement, il caractérise la sexualité ou la reproduction sexuée, c’est-à-dire la naissance d’un individu qui va procéder de deux individus différents sur le plan génétique. La reproduction sexuée, d’ailleurs, n’est qu’une des modalités du sexe dans la nature. Si l’on considère les échanges génétiques chez les bactéries via les plasmides, en donnant naissance à un autre organisme, ils répondent également à la définition précédente. On peut dire alors que la majorité des individus sur notre planète font du sexe en dehors de la reproduction. Certains appellent cela de la parasexualité mais je ne vois pas pourquoi… Si on définit le sexe par le fait de faire un descendant à partir de deux individus différents, c’est de la sexualité ! Enfin, le sexe caractérise aussi un groupe d’individus qui ne peuvent pas se reproduire entre eux. (…) Au sens biologique, un individu qui produit des ovules est de sexe femelle et celui qui produit des spermatozoïdes est de sexe mâle (on ne parle pas ici de genre). Mais on peut aussi compter jusqu’à des dizaines et même plusieurs milliers de types sexuels chez les champignons par exemple, les algues ou certaines plantes… (…)

Pourquoi s’intéresser aux origines de la sexualité ?

PHG : C’est un élément majeur de la vie ! La biologie est l’étude des êtres vivants qui ont pour caractéristiques majeures d’être capables de s’alimenter, d’avoir un métabolisme, de fonctionner, de croître. Une autre fonction essentielle est la reproduction, et plus précisément la production de descendants. En français l’expression est malheureuse, il est évident que les organismes ne se reproduisent pas à l’identique même s’ils se clonent ! On reproduit les informations génétiques, épigénétiques, culturelles… mais c’est un autre individu.

La question des débuts est primordiale…

PHG : La sexualité est consubstantielle à la vie et il n’y a probablement jamais eu de vie sans sexe ! Le sexe démarre avec la vie, indépendamment de la reproduction, puis va être régulé… À l’origine de la vie, c’était sans doute un bazar monstrueux, très compliqué, avec l’existence d’entités qui ont dû avoir des échanges d’informations génétiques en permanence, comme au sein d’une grande soupe initiale. Sont ensuite apparus les bactéries, les virus, les eucaryotes avec des échanges de plus en plus codifiés. Le sexe est aujourd’hui très régulé par rapport à ce qu’il a dû être au départ. Les espèces asexuées sont celles qui ont perdu le sexe au cours de l’évolution, jamais de formes qui n’ont jamais acquis le sexe.

Il existe une grande diversité de reproductions. Le sexe, ce n’est pas seulement un mâle et une femelle, apparemment. Que dire alors des hermaphrodites qui s’auto-suffisent ?

PHG : Chez les plantes, les espèces hermaphrodites représentent de loin la majorité. Ceci dit, il semble qu’aucune forme vivante ne s’autoféconde systématiquement. Certaines, comme le blé, s’autofécondent de façon majoritaire alors que d’autres ne s’autofécondent jamais (trèfles, choux). (…) Chez les animaux, les espèces hermaphrodites sont largement minoritaires mais non négligeables en termes de biomasse puisque c’est le cas notamment de tous les vers de terre !

Parlons maintenant de l’investissement des deux sexes dans la reproduction. Le poids de la reproduction repose-t-il sur la femelle ?

PHG : La cellule sexuelle produite par la femelle est en effet beaucoup plus riche que celle produite par le mâle et c’est presque toujours, dans la nature, la femelle qui s’occupe de la survie des descendants. L’essentiel de la reproduction repose donc sur la femelle. Le mâle, lui, investit tout dans la fécondation. Il fabrique des quantités démesurées de spermatozoïdes ou de pollen, il doit gagner des combats ou séduire. (…) On compare parfois le mâle à un parasite qui injecte son ADN et utilise un autre organisme pour reproduire son ADN…
Les configurations sont extrêmement variées. Alors qu’on a longtemps pensé que les femelles effectuaient leur choix pour sélectionner des « bons gènes », on découvre aujourd’hui, grâce à certaines expériences, que les femelles peuvent choisir le mâle qui les fécondera sur des critères esthétiques ! (…) Nous avons encore beaucoup à apprendre sur les multiples facettes de la sexualité et dans notre approche on ne peut empêcher la dimension culturelle et même celle du fantasme sur ce que représente la sexualité, y compris dans la nature…

**Pierre-Henri Gouyon est professeur émérite au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, au laboratoire Institut de systématique, évolution, biodiversité. Retrouvez l’interview complète de Pierre-Henri Gouyon dans l’ouvrage Sex-appeal, aux éditions Expo-verso.

Prologue : Une histoire évolutive

L’apparition de la vie a été possible il y a 4 milliards d’années grâce à des conditions physico-chimiques idéales. La présence d’eau liquide à la surface de notre planète fut la condition sine qua non. L’évolution n’a pu commencer que parce que des cellules ont établi des relations entre elles. Comprendre le rôle de la sexualité dans la théorie de l’évolution permet donc de comprendre son effet moteur sur la biodiversité.

Dans une ambiance sombre et teintée de bleu rappelant les profondeurs de l’eau où la vie est apparue, le visiteur sera plongé, en images, dans l’origine de la sexualité et celle de la vie. De quand date l’apparition du sexe ? Comment et pourquoi est-on passé d’une reproduction asexuée à une reproduction majoritairement sexuée ? Quelles en ont été les conséquences ? En quoi la sexualité est-elle un moteur de biodiversité ?

L’exposition met en relief les collections patrimoniales du Muséum, dont une exceptionnelle collection d’os péniens, ainsi que des prêts venant de collections publiques ou privées. Par la diversité des thématiques abordées, Sex-appeal aborde de nombreuses disciplines : botanique, entomologie, zoologie, biologie, éthologie et même histoire de l’art.
Elle a en outre pour mérite d’ouvrir en grand le champ du dialogue sur ce que Darwin nommait le plus grand mystère du monde.

Et les humains dans tout ça ?

Thierry Hoquet est philosophe, spécialiste de la philosophie des sciences naturelles et de la philosophie des Lumières. Il s’intéresse notamment aux questions de genre. Il nous livre ses réflexions sur la diversité des sexes dans la nature et sur ce qu’elle nous apprend – ou non – des relations entre les humains.

« L’espèce humaine est toujours inquiète : elle aimerait pouvoir « naturaliser » ses comportements, trouver des légitimations naturelles à ce qu’elle fait. La référence à « la nature » est donc puissamment normative : appelée à régler les bonnes et les mauvaises manières de faire.
Or que constatons-nous ? Si le sexe dans la nature vise à assurer la fonction de reproduction, alors l’histoire naturelle nous convainc de l’extrême diversité avec laquelle cette fonction biologique peut être réalisée. Ainsi, chez l’hippocampe, la femelle dépose ses œufs dans la poche du mâle et c’est lui qui se charge de la portée jusqu’à la naissance. De même, si l’on pousse notre enquête jusqu’à inclure le nourrissage et l’élevage des petits, on rencontre une diversité plus grande encore : chez les jacanas (une espèce d’oiseaux), c’est également le mâle et non la femelle qui s’occupe du nid et reste à la couvée ; chez certaines espèces de mammifères comme les chauves-souris, les mâles sont dotés de glandes qui produisent du lait. Ainsi, la division du travail reproductif varie grandement d’une espèce à l’autre. L’histoire naturelle comme science de l’observation de la diversité naturelle nous apprend chaque jour des choses passionnantes sur le sexe dans la nature. […]

De même, on peut constater qu’il existe des comportements sexuels purement « hédonistes » et non reproductifs dans la nature. C’est le cas notamment concernant la masturbation et la pratique de rapports sexuels (y compris homosexuels) à finalité sociale chez les bonobos. La découverte de ces comportements chez les animaux a permis notamment de montrer que l’homosexualité n’était pas « contre-nature ». Mais au fond, qu’est-ce que change pour nous le fait qu’il existe de l’homosexualité dans la nature ? Que nous importe que l’huître envoie ses gamètes dans la mer ? que la fécondation chez l’épinochette n’ait pas lieu dans le corps de la femelle mais se déroule à l’extérieur, dans un nid construit par le mâle ? que la plupart des oiseaux mâles ne soient pas dotés de pénis mais que le canard érismature soit doté d’une longue verge tire-bouchonnée dont la taille (entre vingt et quarante centimètres en moyenne) dépasse parfois la longueur totale de la bête… ?

Mais l’intérêt que nous portons à notre « nature » sexuelle va plus loin. Nous distinguons le sentiment de l’acte, l’amour de la sexualité ou l’érotique du reproductif. Les psychologues appellent cela « sublimer » : dépasser le fait brut pour atteindre le niveau de la signification ; détourner l’énergie de la libido sexuelle vers d’autres types de circuits créatifs (artistique, intellectuel, sportif…). Mais quelle relation existet-il entre les deux ordres de phénomènes ? Dans notre étude des phénomènes humains, nous distinguons le « sexe » (biologique) du « genre » (social). […]

Face à ce double régime, nous sommes souvent pris entre deux tentations contradictoires. D’une part, nous voudrions parfois ne rien devoir à la biologie ; nous voudrions que nos sentiments soient « purs », qu’ils ne soient pas « réduits » à la biologie, ne soient pas « salis » par la chair et la corporéité. La biologie nous paraît constituer un atroce déterminisme, un mur que nous nous efforçons de contourner. Mais d’autre part, nous sommes fascinés par l’idée que tout notre être (nos sentiments, nos comportements) seraient « câblés » dans nos fibres, « codés » dans nos gènes. C’est pourquoi, pour penser les êtres humains, il nous faut composer avec deux affects contradictoires : notre aspiration à une liberté absolue et notre impression d’être profondément contraints et déterminés dans ce que nous sommes ou pouvons être. Nous devons composer avec une indéniable part de biologique ; mais nous ne devons pas céder à un biologisme naïf, qui ne ferait croire que tout en nous (n’) est (que) biologique. »

Dans les coulisses de l’exposition

Créer du lien entre l’intime et la science
Ali Akbari, chef de projet de l’exposition, explique les choix qui ont présidé à la conception de cette exposition, scientifique sur le fond, sensible et esthétique sur la forme. « De par leur approche scientifique, lorsque les biologistes abordent la sexualité, ils utilisent communément des termes froids et un discours placide. Or, l’exposition Sex-appeal, la scandaleuse vie de la nature est l’occasion rêvée pour assoir les liens existants entre science et intime. La muséographie va ainsi relever plusieurs défis. Elle établit en premier lieu un rapport étroit entre la considération conceptuelle et la réalité biologique de la sexualité. Elle valorise ensuite les relations entre biodiversité, sexualité et comportements du vivant. Enfin, en incluant la diversité des sexualités, elle resserre d’autant plus les liens tissés avec la biodiversité au sens large du terme. Elle met en lumière la biologie évolutive des règnes animal et végétal, entre délicatesse, bestialité, pudeur ou scandale. Cette exposition nous interroge, en effet, de manière sensible sur l’origine de la sexualité et ses multiples facettes, cette diversité faisant également écho à la perception scientifique, symbolique et artistique que nous avons de la sexualité dans le vivant et plus largement à cette dimension intime qui compose la vie.

Par l’entremise d’une muséographie inspirée et d’un graphisme créatif, cette exposition éminemment sensorielle signe aussi le retour triomphant de ce qui constitue l’essence même d’un Muséum : les sciences naturelles. Les visiteurs vont ainsi déambuler dans un jardin labyrinthique et foisonnant et partir à la rencontre de multiples objets et spécimens dans une zone animale luxuriante. Si certains espaces, teintés de sobriété, vont accorder une place singulière aux collections, un espace inédit va, quant à lui, retranscrire toute la sensualité et la bestialité inhérentes à la sexualité. En s’inspirant des codes scénographiques et graphiques d’un sex-shop (doté d’un néon rouge et de meurtrières) il mettra en lumière des scènes d’accouplements, mais également toute la diversité des comportements sexuels existants. Les choix graphiques, de leur côté, vont refléter l’hétérogénéité des couleurs du vivant. Dès lors, la zone végétale sera mise en valeur dans un paysage floral stylisé à partir de planches botaniques anciennes, les planches modernisées pour l’occasion reprenant les codes esthétiques des Muséums d’histoire naturelle. Enfin, un bédéiste, Mr Box, apportera un second niveau de lecture de l’exposition fondé sur l’illustration graphique et la bande-dessinée, afin de toucher un public adolescent. Sur le ton décalé de l’humour, ce fil imagé va confronter notre propre perception humaine de la sexualité à celle des animaux et des plantes. »

Exposer les collections de zoologie du Muséum
De nombreux spécimens zoologiques des collections du Muséum ont été mobilisés pour Sex-appeal. Certains ont été choisis pour rendre compte de la coévolution entre les plantes et les animaux, comme le Sphinx de Darwin (variété de papillon) avec l’orchidée de Madagascar. Trois spécimens de colibris, dont la forme du bec est parfaitement adaptée à la profondeur des grandes fleurs tropicales seront également exposés. Ces oiseaux sont issus de la collection Besaucèle, une collection patrimoniale remarquable conservée au Muséum de Toulouse.

D’autres spécimens illustrent le dimorphisme sexuel. Le public découvrira par exemple que, contrairement aux idées reçues, mis à part chez les mammifères et certains oiseaux, les femelles sont majoritairement plus grandes que les mâles. D’un côté, deux ours des Pyrénées issus des collections du Muséum montrent un mâle plus grand et une femelle plus petite. De l’autre, des spécimens de casques cornus, de grands gastéropodes marins montrent, à l’inverse, une femelle bien plus grande que le mâle. D’autres spécimens des collections du Muséum incarnent aussi les jeux de séduction : des espèces danseuses ou imitatrices, essentiellement des oiseaux, des paradisiers ou des grues, mais aussi un faisan doré ou encore un cerf qui brame, emprunté au Muséum de Bordeaux. Certaines pièces ont été restaurées pour l’occasion, comme le lion Charly (voir présentation p.39), ou des labres (variété de poisson), appelés aussi vieilles coquettes.

Enfin, de véritables pépites sont sorties pour la première fois des réserves. Il s’agit d’une collection d’os péniens, unique en son genre. On retrouve ces os chez certains groupes de mammifères, essentiellement les carnivores, les primates et les rongeurs. Chez les primates, la seule espèce à en être dépourvue est l’homme. Cette collection date de la fin du 19e siècle, début du 20e siècle, et elle a été réunie par le Comte Armand de Montlezun, qui était aide-naturaliste au Muséum. Elle compte quelques 209 spécimens d’os péniens, prélevés sur les dépouilles qui allaient être naturalisées au Muséum.

À la recherche de l’os clitoridien
For Sex Appeal, Alexandre Mille, conservateur du patrimoine et responsable du service Conservation du Muséum de Toulouse, a enquêté et recherché partout dans le monde des spécimens d’os clitoridiens. Des pièces très rares et jamais exposées en France. Il les a finalement trouvés en Italie et leur exposition est une première en France.

« Afin de montrer au public les attributs sexuels dans le monde animal, il a été décidé d’exposer la riche collection d’os péniens que nous conservons au Muséum. Ces os sont peu exposés et rarement présentés dans les squelettes montés. Le travail de documentation pour l’exposition a fait prendre conscience à nos équipes de l’existence du pendant féminin de l’os pénien : l’os clitoridien ou baubellum de son joli nom latin, qui veut dire « joyau, bijou ». Il est présent chez les femelles de certains mammifères comme les chiroptères, les carnivores ou encore les primates (à quelques exceptions près dont l’Homo sapiens). Nous avons constaté que nous n’avions aucun baubellum dans les collections. D’une part, parce que tout ce qui concerne les organes sexuels féminins a été largement moins étudié que les organes masculins, d’autre part en raison de sa relative petite taille, parfois millimétrique. C’est un os qui n’est pas relié au squelette et se trouve perdu dans les tissus mous, donc il faut véritablement connaître son existence et aller le chercher lors des préparations.

Nous avons sollicité les autres muséums de France, dont le Muséum national, mais pas d’os clitoridien référencé, tout comme à l’école vétérinaire de Maison-Alfort. J’ai étudié la littérature scientifique et sollicité des laboratoires de recherches. Il y en avait très peu. Une équipe de chercheuses italiennes de l’Université de Rome nous a très rapidement répondu. Elles ont développé un protocole d’acquisition de données et de prélèvement de cet os qui figure parfois dans des collections sans avoir été prélevé ni préparé, encore moins catalogué. Elles ont accepté de prêter exceptionnellement au Muséum de Toulouse pour l’exposition deux baubellums de primates, pour démontrer l’existence de ces os clitoridiens dans la nature. Ils restent cependant encore très mystérieux. Comment se forment-ils au cours du développement ? Pourquoi ne sont-ils pas systématiquement présents chez tous les individus d’un même groupe ? Les recherches se poursuivent ! »

Sélection naturelle, sélection sexuelle La sélection sexuelle fait partie intégrante de la sélection naturelle. La sélection naturelle permet de sélectionner les attributs assurant la pérennisation de l’espèce. La sélection sexuelle, quant à elle, permet de sélectionner les attributs assurant aux individus une meilleure reproduction. Elle s’observe à travers le dimorphisme sexuel, s’appuyant sur des différences héréditaires d’ordre structural, morphologique et comportemental entre les individus mâle et femelle d’une même espèce.

Désir de vivre, une saison culturelle très sexy
The exhibition Sex Appeal s’accompagne d’une saison culturelle qui explore la biodiversité par le prisme de la sexualité dans la nature. Elle illustrera tout au long de l’année le désir de vivre des espèces vivantes et l’expression de leur diversité.

Cette exposition est reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture, qui lui apporte à ce titre un soutien financier exceptionnel.

Exposition du 14 octobre 2023 au 7 juillet 2024 – Museum de Toulouse
Ouvert toute l’année du mardi au dimanche de 10h à 18h

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